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Guerre 1914 / 1918 - Le 407° R.I.
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21 mars 2009

Marcel ARVISENET (4)

A TRAVERS LES BOYAUX.

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Il fait chaud, doux et calme. Un temps magnifique ! La route d’Arras à Béthune allonge, sous les arbres saccagés, son long ruban gris.

Ici, c’est le vrai front ; les noms de ces lieux-dits sont le refrain du communiqué : Bois de Givenchy – Côtes 123-119 – route de Béthune – Ferme de Bertonval – Village de la Targette – Neuville-St-Waast. Et pourtant, on ne voit rien que le soleil sur les champs jaunis, bouleversés par les tranchées . Au fond, sur les lignes ennemies, trois ballons d’observation semblent, dans leur immobilité, faire partie du paysage.

Des régiments sont là, qu’on ne voit pas ! Des batteries sont dissimulées on ne sait où ! des agents de liaison circulent :  on ne les aperçoit pas ! Ces arbres possèdent un observateur, ce petit bois des cagnias et des gourbis, ces champs, qui semblent lisses, et vides, ont leurs chemins, leurs routes et leurs carrefours !

Ici, c’est le royaume de l’invisible et nul n’y pénètre, s’il n’est habillé de bleu horizon.

            Des boyaux profonds s’en vont paresseusement à travers champs et bosquets. Ils sont minutieusement indiqués par des poteaux : Boyau n° I – Boyau des ponts – Boyau d’Ecoivre – Boyau central – Carrefour des Cavaliers, etc.. Aux carrefours, vers l’arrière des premières lignes, on trouve toujours de vieux territoriaux qui montent la garde avec l’antique fusil gras  et le préhistorique coupe-chou. Ils indiquent le chemin à suivre :

-Tournez deux fois à droite ; une fois dans le boyau des Zouaves, suivez jusqu’au trois croix. Prenez le boyau de gauche vers l’arbre abattu, et vous serez arrivés !

            C’est ainsi que nous allions, hier soir, porter des outils de Parc au 1er bataillon qui creusait des parallèles  de départ en première ligne.  Voilà la lisière du bois de Mont St Eloi, que des trous de marmites bordent de blanc. Voici l’emplacement d’une ancienne batterie de 75, qu’on dût abandonner, car elle avait été bombardée copieusement par l’ennemi, à la suite d’une visite d’avions de celui-ci.

            Soudain, un bruit dans l’air bleu : C’est un frou-frou liquide, quelque chose qui glisse dans l’air et se rapproche peu à peu  de terre . Un instinct tout puissant nous avertit que ce bruit  est celui de la mort ! Les genoux fléchissent, la tête se vide… On s’appuie contre la paroi du boyau… On ne peu plus avancer… Le bruit cesse brusquement ; et voici qu’a notre gauche, à l’endroit ou nous sommes passés tout à l’heure, une énorme tulipe jaune surgit silencieusement. Nous la regardons, étonnés. Formidable, l’explosion nous fracasse les oreilles !!  Cette fois, nous nous couchons ; trop tard, d’ailleurs ! Et c’est un second obus, car ces grosses marmites défilent les unes après les autres… Deux sapins volent en éclats à cinquante mètres de nous, alors que l’explosion retentit !

            Nous voici en deuxième ligne. De chaque côté du boyau il y a des cagnias admirablement installées. Des escaliers descendent sous terre, et on aperçoit de la paille fraîche. Des matelas épais, des rondins et de la tôle ondulée, mettent ces abris à l’épreuve des marmites les plus puissantes !

            Nous continuons notre route. Soudain, le coup de sifflet d’un guetteur nous prévient qu’il faut se cacher. Vivement, nous nous collons au boyau. Un avion ennemi est là-haut , repérant nos lignes !

            Entre deux nuages blancs, une tache nous apparaît ; tantôt elle brille, tantôt elle disparaît. C’est le Taube ! un faible bourdonnement résonne dans l’espace.

            Dans cette plaine d’Artois, à cette heure, ce murmure est la seule chose qui vive encore ! Mystérieusement, voici que le ciel s’emplit de poignards brillants et  de boules blanches : Trop loin pour que nous puissions l’entendre, un 75 tire sur l’avion ; il lance, avec une cadence fébrile des obus, et encore des obus ; il laboure le ciel bleu, et longtemps après l’apparition des taches blanches, nous entendons le bruit sourd de l’explosion ! L’ oiseau, éperdu, s’en va, poursuivi par les boules blanches du 75, qui tire toujours….. ( 29 Août 1915, route de Béthune.)

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