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Guerre 1914 / 1918 - Le 407° R.I.
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24 mai 2009

L'ASSAUT DU BOIS DE LA FOLIE (8)

L'ASSAUT DU BOIS DE LA FOLIE.

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Le vacarme de la fusillade est terrible et nous enveloppe d'un crépitement strident; des milliers de balles passent au dessus du parapet. Derrière nous, nos batteries tonnent sans discontinuer

Les officiers, pâles, consultent la carte d'Etat Major, et certains d'entre eux s'assurent si leur revolver est chargé. Nous sommes prêts! Les hommes se rangent en silence; la jugulaire au menton donne un air farouche! Les yeux brillent, les faces sont crispées! Chacun sait qu'il va apporter son corps tout entier, tout nu, aux fusils ennemis, braqués d'avance. Tous se demandent si c'est leur dernier jour, et dans une pensée rapide, en un moment de silence, envoient un adieu au pays natal, à la famille qu'ils ne reverront peut-être jamais!

            L'attente s'allonge, s'éternise. De temps à autre, on tressaille un peu, et on courbe la tête, lorsqu'une balle, tirée d'en face, frôle le talus d'avant, qui nous protège, et vient s'enfoncer, avec un bruit mat, dans le talus d'arrière.

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EXTRAIT de mon Journal des Tranchées.  - Un coup de clairon se fait entendre; les uns derrière les autres, nous montons sur le parapet, et en hurlant, nous fonçons devant nous. La fusillade c'épite de plus belle! les balles nous sifflent aux oreilles; les mitrailleuses allemandes sont en action. Des camarades s'abattent, frappés à mort. Le Sergent M......., de la 1ère section, tombe le ventre ouvert par un éclat. – Le talus est couvert de centaines d'hommes, qui avancent sur un front de près d'un kilomètre.

            Nous traversons nos réseaux de fils de fer; le tir de l'ennemi devient plus précis; plusieurs camarades tombent… On court un peu plus vite, les coudes serrés au corps. La baïonnette brille, et a soif de sang…

            Soudain, devant nous, de sombres flammes, et des détonations. En ligne, à gauche, à droite des fusants montent dans le ciel; des explosifs sortent de terre; il en éclate un peu partout!! C'est un effroyable rideau qui nous sépare de l'ennemi. Nous nous arrêtons, stupéfaits, effrayés, mais un effort nous rejette en avant. Tête baissée, nous pénétrons dans la fournaise. On ne se voit plus dans la fumée. – On voit, au milieu de tempêtes de terre montant au ciel, avec fracas, sous la force de la poudre, s'ouvrir des cratères, les uns à côté des autres… et puis, il tombe tant d'obus, que l'on ne sait plus où tombent les rafales… On se croirait dans les nuages, quand il fait un orage épouvantable, et que le feu du ciel est déchaîné! On voit ,on sent passer près de sa tête, des éclats d'acier. Par moments, le souffle d'une explosion jette des hommes par terre; les uns se relèvent, avec plus de peur que de mal; les autres restent immobiles, couchés pour l'éternité!

            Je sens un choc violent dans le dos; je tombe à la renverse: c'est un éclat, qui, frôlant ma joue, a pénétré dans mon sac, en même temps qu'une balle perforait ma gamelle!!

Devant moi, Julien B.......... court comme un fou, en hurlant: une balle lui arrive , droit au cœur. Il s'arrête, tourne sur lui-même, et s'abat sur un cadavre ennemi. T.......... Alain, deux balles dans la tête, s'abat à ma droite, et roule sur le dos, la bouche ouverte, crachant du sang.

Dans cette fournaise, je sens la folie qui me gagne. Je fonce dans l'enfer sous la pluie des éclats, au milieu des gouffres qui se creusent; les morceaux de fonte sifflent avec un tel miaulement sinistre, que se bruit me fait mal!

Nous bondissons droit devant nous, nous trébuchons sur les cadavres, et, devant nous, toujours, l'avalanche fulgurante du barrage de fer et de feu.

            Nous bondissons dans ce tourbillon de flammes comme des démons! Au passage, je vois des camarades tournoyer sur place et s'abattre… d'autres , soulevés dans la fumée et tombés à quelques mètres… B........... tombe en poussant un cri. Il tente de se relever, mais il a une jambe fracassée. V...... Edouard porte sa main à sa poitrine, et s'abat en criant: il a reçu une balle en pleine poitrine, et déjà, il râle! Encore un Bourguignon qui ne reverra plus jamais Dijon, son pays natal !!

            Nous courons plus vite à présent, sans penser à ceux que les balles ennemies couchent sur le champ de bataille! Il y en a qui tombent d'une seule pièce, le visage tourné vers le ciel…

            Nous franchissons le réseau ennemi. Nous avançons d'un dernier bon, et sautons dans la tranchée allemande, au milieu des boches épouvantés, qui jettent leurs fusils à terre, lèvent les bras vers le ciel; et hurlent des " Kam'rades " avec furie.

            En voyant arriver cette vague d'assaut bleu horizon, hurlant à la mort, vague de démons couvert de boue, jetant des cris, ivres de sang, l'ennemi prends peur, et jette les armes… Les uns se rendent, mais les autres se sauvent vers leurs deuxième ligne. Nous leur tirons dans le dos; quelques-uns tombent. Un officier ennemi, superbe de morgue et d'arrogance, arrive et crie "kamarade", comme ses soldats.  Victor B......... le prend par l'épaule, et joyeux, lui montre les boches qui arrivent en courant les bras en l'air. Il lui dit:

" Mon vieux, si ça continue d'avancer comme ça, dans huit jours, on est à Berlin! "

Une balle ennemie lui traverse la poitrine! Il tombe sur les genoux, montre le poing à l'officier boche, et s'abat raide mort…

            Les troupes de renfort qui sont derrière nous, en voyant arriver les groupes de boches, tirent dessus. Plusieurs allemand tombent, mais quelques-uns de nos camarades sont frappés par les balles françaises!! Le Sergent C...... se dresse sur la tranchée et crie " Cessez le feu! "

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