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Guerre 1914 / 1918 - Le 407° R.I.
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2 juin 2009

L'ASSAUT CONTINUE (9)

L'ASSAUT CONTINUE.

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Dans la tranchée ennemie, nous reprenons haleine, avant de repartir dans la fournaise! Ici, nous sommes un tout petit peu protégés par les parois de la tranchée. L'intérieur est rempli de fusils Mauser, alignés sur la banquette de tir, et de sacs de grenades. Au fond, des cadavres, dont les mains crispées serrent des canons de fusil. Ici, un cadavre, étendu à plat ventre, un bras replié, laisse voir des manches grises à parements rouges de la Garde Prussienne…  Des jambes bottées sortent d'un amas de terre… Le talus est renversé. – Le Lieutenant C……. – ( de Saulon-la-rue, Côte d'or ) notre Chef de section, se dresse sabre au poing:

" Allons, les gars, il est l'heure de repartir. En avant! Et surtout, pas de désordre! "

Il monte sur le parapet et s'élance. Nous escaladons le talus en trébuchant sur les cadavres allemands, et nous repartons, en laissant les morts dans leurs fosses. Le tir de barrage continue.. d'infernales décharges de 105mm s'écrasent derrière nous; où nous sommes, c'est un point mort pour l'artillerie: on peut respirer quelques secondes…

            On cesse d'être fou et sourd. On se regarde. On se compte… Hélas! Les vides sont grands! Et la fusillade crépite de plus en plus, en avant de nous. C'est la deuxième ligne ennemie qui tire. Le lieutenant C……… tombe, une épaule fracassée… Plusieurs de nos camarades veulent l'emporter à l'arrière. Il se soulève sur son bras valide, et hurle:

" Nom de Dieu! Foutez-moi la paix… Moi j'ai mon compte! Vous autre, en avant!! "

             Il s'affaisse, perdant son sang; on le met dans une toile de tente, et, sous la surveillance d'un blessé, on le fait transporter à l'arrière par deux blessés ennemis, qui viennent de se rendre… 

            L'attaque continue… B…….. a la main droit traversée… Nous arrivons dans un passage dangereux: il s'agit de traverser la route de Givenchy, balayée par deux mitrailleuses ennemies!! Couchés à plat ventre dans les trous d'obus, il va falloir passer par petits groupes. Une dizaine des nôtre restent sur le carreau… et il faut continuer notre avance, par bonds successifs de vingt mètres. A chaque bond, plusieurs d'entres nous ne se relève pas! Sur le centre, l'ennemi contre-attaque. Il y a un flottement. Les Sous-Officiers hurlent ( les Officiers se font rares!):

" Camarades à la baïonnette ! "

            les hommes hurlent de plus belle, et l'assaut reprend! L'Adjudant a pris le commandement de la compagnie. Une mitrailleuse nous prend d'enfilade, et nous fait beaucoup de pertes… Nous restons un bon moment couchés en mitrailleurs, n'osant plus bouger!  Les balles allemandes perforent les crânes avec un bruit mat…

            Le sergent C……., un grand barbu, notre Chef de Section en remplacement du Lieutenant C…….., s'élance , le fusil à la main. Il crie des mots que nous n'entendons pas, dans l'orage des éclatements… Nous voici repartis en avant.

            Une grêle de balles nous fait courber la tête… Je reçois un choc dans le dos: c'est une balle qui vient de traverser mon sac! Le Sergent C……… s'abat, une cuisse fracassée… Nous voulons le panser, mais il ne veut pas. " Allez mes amis, ne vous occupez pas de moi! Les brancardiers m'emporteront. Quant à vous, en avant! "

            Il nous serre la main, et montre la direction de l'ennemi. Nous repartons… Le champ de bataille est couvert de vagues de tirailleurs, qui s'élancent vers le Bois de la Folie..            Près de moi, deux hommes culbutent, roulent l'un avec un grand cri, l'autre sans dire un mot. Un troisième est écrasé par une marmite, et disparaît… A la place où il était, il n'y a plus qu'un grand trou noir fumant, et un peu de sang… Horreur!!

            Un sergent, en avant de nous, se retourne et crie:

" Vous êtes trop serrés! Mettez vous à dix mètres! "

            Il s'arrête, porte la main à son cœur, et tombe à genoux; son corps se penche en avant, et il roule… le sang sort à flots de la blessure! Un frisson, et plus rien…

            On ne voit plus d'officiers. Où sont les sou-officiers? Peut-être tous morts? Il y a de l'hésitation dans la marche à l'avant, mais un soldat de la troisième Section, L………., s'élance en tête de ses camarades! " Camarades en avant, et vengeons nos morts! "

            La ruée en avant est plus ardente, après ce cri, lancé dans la tempête…

            Tout près de nous, C…….., la figure ensanglantée, tombe. Il se relève sur les genoux, tends le poing au boches, et retombe… Il crispe ses mains et creuse la terre… Nous approchons de la tranchée ennemie, mais le feu des mitrailleurs boches devient plus précis. B……… Albert s'abat, le mollet traversé… B…….. culbute, un éclat dans la jambe… Le Sergent B………, une balle en pleine tête, tombe dans un trou d'obus… B……. a les reins brisés...            L'Aspirant T……….. a pris le commandement de la vague d'assaut. L'attaque devient une fuite en avant. Tête baissée, éperdus, nous courons droit sur les nids de résistance boche. Une nuée de balles gicle autour de nous. Il y a des chutes encore plus nombreuses; des cris, des hurlements. Et ceux qui ne sont pas atteints, regardent en avant… Nous marchons parmi la mort, qui frappe sans arrêt autour de nous.

            L'ennemi abandonne la tranchée au moment où nous arrivons, à dix mètres. Des sections ennemies entières se dressent sur les talus. Ils se rendent pendant que leurs camarades tirent encore…

          Sur notre droite, il y a un vif assaut à la baïonnette. On se bat à l'arme blanche, mais, où nous nous trouvons, les allemands se rendent, complètement abrutis, et à moitié fous… Sans une minute de répit, nous traversons la tranchée de deuxième ligne, et repartons en avant.

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