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Guerre 1914 / 1918 - Le 407° R.I.
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12 juin 2009

L'ASSAUT EST FINI (10)

L'ASSAUT EST FINI!

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Je regarde à droite, à gauche: partout des camarades inconnus. Ici, c'est un poilus du 407… Plus loin, un vieux briscard du 405… Ailleurs, une escouade du 74ème… Là, un sous-officier du39ème… Il n'y a plus d'unité de formée… Qui nous commande? Je l'ignore complètement, et je m'en moque… Que ce soit un officier du 407ème ou du 129ème, je retrouverai mon régiment après la tourmente!

Nous traversons des réseaux de fil de fer; nous franchissons des tranchées, des boyaux… maintenant, l'avance devient plus lente. Sous une pluie d'obus de tout calibres, nous arrivons contre la troisième ligne ennemie. Je me retrouve à côté de l'Aspirant T………, et au milieu de plusieurs camarades. Le Capitaine, commandant la 8ème Compagnie, tombe, mortellement blessé… D……….. est touché à la tête, et s'abat comme une masse, au milieu des fils de fer… - devant nous, à quelques mètres, une mitrailleuse tire encore, et pourtant, déjà, l'ennemi se rend. L'aspirant, en courant saute dans la tranchée, et brûle la cervelle d'un officier allemand. A côté, la mitrailleuse, actionnée par  un sous-officier, tire toujours… D'un coup de revolver dans la tête, notre Chef le met hors de combat. Ce malheureux boche était attaché par une chaîne à sa mitrailleuse, de façon à ce qu'il ne puisse se sauver…….

Enfin, voici la troisième ligne à nous. Nous sommes exténués de fatigue; nos fusils sont des paquets de boue. Il n'y a que nos baïonnettes qui luisent; elles ont soif de sang. Je jette mon fusil, qui ne fonctionne plus, et je ramasse un fusil Mauser ainsi que plusieurs chargeurs. Avec ça, j'aurai de quoi me défendre, si l'ennemi organise une contre-attaque.

En avant! A la quatrième ligne!!  W……., après un bond de vingt mètres, reçoit une balle dans une jambe. Il tombe en poussant un juron!  D……….. veut le traîner dans un trou d'obus. Le pauvre V……… reçoit une autre blessure: une balle lui traverse l'épaule droite, tandis qu'un éclat d'obus renverse D…….. sur lui…  P….. a les deux mains traversées… Le Sergent pionnier reçoit une balle dans le ventre… Le Caporal V……. est grièvement blessé… Le Caporal G…….. est tué… la lutte est grave!

Nous sommes sur le parapet de la quatrième ligne. Plusieurs groupes ennemis ne veulent pas se rendre, et un cinquantaine de soldats, en gris verdâtre, foncent sur nous, baïonnette en avant.

Le choc a lieu. Des poitrines sont trouées. Je suis sur la gauche de ce corps à corps, qui tourne à la boucherie!  L'ennemi est repoussé, mais une dizaine de forcenés surgissent devant nous. Un feu à volonté en couche la moitié sur le carreau, et le reste s'enfuit… Nous sommes maître de la quatrième ligne. Sans une minute de répit,  nous avons pris trois lignes successives de tranchées, depuis le départ de la 1ère ligne ennemie! Nous avons fait une avance de plus de 1500 mètres!

     Des section entières d'allemands arrivent en hurlant leur " KAMARADE "  pas kapout "…

            La 5ème ennemie tire toujours. Des cadavres, en gris, recouverts de boue et de sang, emplissent la tranchée. Les obus nous arrivent dessus avec moins de précision. Soudain nous sommes bloqués net. Impossible de repartir. Les balles sifflent, innombrables de nouveau. Elles viennent de partout. Nous sommes obligés de nous terrer dans cette tranchée, et d'attendre que l'aile droite progresse, car nous avons trop avancé!

            L'ennemi a repéré soigneusement cette tranchée, alors qu'il la possédait. Ses obus tombent nombreux, méthodiques. Pas un pouce de terrain, pas un mètre du parapet qui ne soit retourné! Tout d'abord, nous n'y prenons pas garde, habitués à la pluie de ferraille! Mais nous nous apercevons bientôt que notre artillerie tire trop court… Notre avance a été très rapide sur ce point, et les 75, croyant pilonner l'ennemi, qui est en fuite, sont en train de nous assommer.  Nous lançons de suite les fusées "Allongez le tir. " La fumée des explosions est si intense que les observateurs ne voient pas nos signaux, et les 75 continuent à démolir les tranchées. Déjà une dizaine des nôtres, sont étendus, morts ou blessés!  Allons nous être obligés de reculer?

             Le Lieutenant G……….. monte sur le parapet avec des panneaux blancs, pour faire des signaux, qui sont aperçus par un avion observateur; celui-ci fait allonger le tir.

            L'orage de fer est arrêté; il est impossible d'observer ce qui se passe. Partout des fumées rampent sur le sol, s'élèvent et voilent l'horizon.  Devant nous, le Bois de la Folie semble en feu; c'est à peine si, derrière nous, on aperçoit la route de Béthune! Des fusées rouges, vertes et blanches montent sans cesse dans le ciel. Fusées allemandes? Ou fusées françaises?

            Le soleil est brûlant.  Il est quatre heures de l'après-midi. Sur nos fronts, la sueur coule!  Dans l'air, flotte une odeur de poudre et de cadavres en putréfaction! Aux détonations de l'artillerie se mêlent les bruits de tir de mousqueterie et de grenades. Là-haut, dans les nuages, des avions se battent; on entend un faible crépitement de mitrailleuse, parmi le vrombissement des moteurs.

            Derrière nous, la fumée se dissipe, un peu; des renforts montent en colonne par quatre. Des marmites éclatent au milieu! Parmi les sections, des hommes s'abattent. Une batterie de campagne accourt. Les petits 75 se mettent en position au milieu de la pleine, à découvert. A peine en place, le tir commence. Les obus soufflent à ras de la tranchée pour aller éclater en lisière du bois. La riposte arrive,  écrasante!  Plusieurs grosses pièces tirent du côté de VIMY; ce sont des 210, qui soulèvent, en éclatant, des gerbes de terre; puis les 77 commencent à tomber comme grêle! Nous regardons cette lutte: artillerie contre artillerie! Le Capitaine est tué sur sont cheval, héroïque jusqu'au bout! Les chevaux tombent; les conducteurs les suivent. Une pièce est mise hors de combat; les trois autres tirent, de plus en plus vite… Un échelon de munitions arrive, mais deux caissons sautent! Une deuxième pièce est hors de combat; les autres tirent à la vitesse maximum! L'avant-dernière éclate… Des hommes tombent! Les Artilleurs sont morts, blessés , ou se sont réfugiés dans des trous d'obus. Il n'y a plus qu'un officier et quatre hommes, au milieu des explosions d'obus de tous calibres. Ils continuent à servir la pièce… La batterie agonise… Puis, une détonation plus forte que les autres: les derniers artilleurs tombent et disparaissent dans la fumée… Un moment d'arrêt! – La dernière pièce vient de sauter… La batterie de 75 est morte, mais, devant nous, la tranchée ennemie est nivelée!

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