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Guerre 1914 / 1918 - Le 407° R.I.
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18 juillet 2009

HEURES SOMBRES (12)

HEURES SOMBRES.

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29 septembre.            Nous n'avons rien mangé aujourd'hui. C'est le commencement! La journée se passe à tirer sur les ennemis que l'on aperçoit. Deux sont abattus par un feu de salve.

            A notre droite, un bombardement violent; des obus de gros calibre passent sans arrêt, et vont éclater vers la route de Béthune.

30 Septembre.            Il pleut depuis quatre heures du soir. Il y a douze heures que je suis de garde dans ce coin de tranchée. Je sens mes jambes fléchir; nous n'avons rien dans le ventre depuis quarante huit heures! On a beau être brave!! – Je suis relevé de garde par TOLLER; il s'accoude au parapet, et se met à rêver à la lueur des fusées ennemies… Du côté de Souchez la fusillade crépite. Je me laisse tomber sur la banquette de tir, la tête appuyée contre un sac; je ferme les yeux, épuisé par la faim et par la fatigue… Pif, Paf… Un coup de fusil d'en face me réveille. J'ouvre les yeux… La balle a frappé TOLLER dans la bouche… Elle sort sous le menton, pénètre dans la poitrine, et ressort par le dos pour venir s'enfoncer dans la parapet au dessus de ma tête! Je vois la face de TOLLER se figer en un masque terrifiant! La tête se penche sur la poitrine, et après avoir chancelé, il s'abat dans la tranchée…TOLLER est mort, tué sur le coup…

Encore un a ajouter à la liste sanglante des morts de la section. Immédiatement, à la lueur des fusées, on creuse un trou derrière la tranchée, et on l'y enterre… Une heure après, chacun reprends sa place tristement, en se demandant: A qui le tour??

            Le bombardement de nos tranchées par l'ennemi continue de plus belle. Vivement la relève!

            Cette nuit, on a fini de relever les blessés; depuis le soir de l'attaque, on les entendait hurler sur le champs de bataille…

ROCH, de la 3ème section, pendant trois jours criait, jour et nuit, appelant les brancardiers à son secours… Combien sont morts dans la plaine, après d'atroce s souffrances,

1er Octobre.                Cette nuit nous avions tellement faim que l'Aspirant TRIOLLET, TANCRET et moi, nous sommes allés en patrouille pour fouiller les sacs des morts, à la recherche de biscuits et de boîtes de conserve!

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VILLARDRY, de la 8ème escouade, vient d'être frappé en plein crâne par un éclat. Le malheureux agonise dans la tranchée et meurt… (12 heures après, sans avoir repris connaissance! )  Encore un brave garçon de la Section qui disparaît!

            La nuit est froide et humide; pas de lune, pas une étoile au firmament! Il faut ouvrir les yeux et surtout avoir de bonnes oreilles! L'ennemi profite souvent des nuits sans lune pour tenter ses coups de main.

            La nuit s'écoule lentement; un guetteur sur deux, est debout, son fusil au créneau. Les mains dans les poches, il va et vient, tout en jetant un coup d'œil  par dessus le parapet, pendant que son camarade dort, en attendant son tour de garde.

            Aujourd'hui, nous avons mangé un biscuit pour deux, et une boîte de singe pour quatre; de l'eau jaunâtre, qui vient du poste d'eau de la route de béthune.

            Là-bas, sur notre gauche, du côté de Loos, une canonnade furieuse se déclenche, qui dure environ une heure: sans doute un coup de main des anglais.

            Le Sergent SCARONI vient bavarder un moment avec moi, puis se dirige vers la tranchée Nicht pour surveiller des corvées de terrassement.

            A côté de moi, un camarade s'est endormi; il est presque couché dans le boyau. Je me penche sur lui " Relève toi, lui dis-je, tu encombre le boyau, on ne peut plus passer. " – Pas de réponse! Il ne bouge pas… Je le secoue à nouveau… rien… Je sors ma lampe électrique, et j'éclaire son visage: c'est CHANTEREAU, de la 5ème escouade. Un éclat d'obus lui a fracassé la tête pendant qu'il dormait… Il est mort sans souffrance… Avec TANCRET, et BOUILLAGUET, nous le transportons dans un trou d'obus; il sera enterré tout à l'heure…

            Le sergent SCARONI arrive, et nous dit à voix basse: " Alerte! Tout le monde au créneau, fusils chargés à répétition, prêts à faire feu! On s'attends à une attaque! "

            Vite, nous prenons nos emplacements de combat. On nous annonce que l'ennemi  vient en rampant dans notre direction. Il est à cinquante mètres de nous, vers les réseaux Bruns. Rapidement, à voix basse, le Sergent donne des ordres: " Approvisionnez, hausse de combat!  Ne pas tirer sans ordre! Visez soigneusement à ras de terre, et, surtout, gardez tout votre sans-froid! " Le silence est impressionnant; la tranchée est garnie, nous sommes coude à coude! SCARONI allume une fusée, qui monte dans le ciel noir avec un bruit de chemin de fer! C'est le signal: Plusieurs fusées s'élèvent, et, bientôt; une dizaine de grosses étoiles se balancent à cent mètres de hauteur, éclairant le terrain.

            Surpris dans leur avance, les allemands se dressent, et bondissent en hurlant! Un commandement part de notre tranchée:

" Section… Joue… Feu! "

Un crépitement se fait entendre.

" Charger… Joue… Feu…"

            La mitrailleuse se met de la partie. Des allemands culbutent. Les fusées continuent à monter pour allumer leurs étoiles, avec un petit bruit sec. Les feux de salves se succèdent, suivi d'un feu à répétition qui achève la déroute de l'ennemi.

            Tout rentre dans le silence et dans l'ombre.

            La nuit s'achève sans autre incident! Devant nous, on entend les blessés ennemis qui appellent au secours.

            Bientôt, le jour se lève… Il n'y a plus rien sur le terrain… L'ennemi a enlevé ses morts et ses blessés.

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Commentaires
N
Je suis 100% d accord, j'apprécie votre style. j'ajoute votre blog à mes favoris. bonne continuation.
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