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Guerre 1914 / 1918 - Le 407° R.I.
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24 août 2009

REVERIES DANS LA NUIT (13)

REVERIES DANS LA NUIT.

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Nous avons attaqué dans la soirée, mais l'attaque n'a pas réussi! La zone morte, cette partie du champ de bataille que les anglais nomment le " NO Mans Land " est jonchée de cadavres de chez nous. Les cadavres, taches bleu pâles sous la lune, sont étendus les bras en croix, et dans des positions diverses.

Les fusées montent, entraînées aussitôt par le vent. Les rats courent sur les parapets, à la recherche d'un cadavre.

Il est une heure du matin; je prends la garde aux créneaux. Il fait froid. Je frissonne sous ma capote en lambeaux. Je marche un peu, pour éviter l'engourdissement. La mélancolie s'empare de mon âme; je deviens triste, et la peur me prend. Peur morale, faite de lassitude et de lâcheté.

Je me sens triste, très triste! Le vent m'apporte l'écho d'un roulement de voitures. Ce sont sans doute des batteries allemandes qui arrivent dans le Bois de la Folie.

Oh! nuit lugubre! Pourquoi lutter? A quoi bon vivre, et ne mourir que demain, Tuer, et ne pas pouvoir mourir! Pourquoi souffrir plus longtemps?

Oh! Soirées de septembre, si belles, et pourtant si tristes! Combien les nuits nous semblaient longues, et comme le découragement s'emparait vite de nous. Rien à manger, rien à boire… Et il fallait tenir , sous une pluie torrentielle, sans abri, et sous une grêle de mitraille, voyant chaque jour, tomber un camarade de combat…

Combien de fois avons-nous pleuré en silence, dans la tempête du canon, ou entendant siffler les rafales d'acier qui tombaient autour de nous, fauchant jeunes ou vieux, sans souci de l'âge ni du grade…

Je te revois encore, pauvre petit COURBERON, sanglotant, le ventre vide et les pieds gelés, dans une boue noire et infecte, appelant ta Mère… Et toi, ROCH, les deux jambes fracassées, étendu  dans un trou d'obus, sous la pluie, agonisant pendant trois jours et trois nuits!!!

Je te revois encore, - après trois ans -  quand on te descendait dans la tranchée, dire à ton brave Chef de Section, L'Aspirant TRIOLLET, mort au Champ d'Honneur depuis, " Mon Aspirant, ne dites jamais à ma mère combien j'ai souffert! Dites-lui que je suis mort d'une balle au cœur! "

Heureusement, la mort ne voulut pas de lui, et, sur sa poitrine, la médaille militaire vint récompenser son héroïsme et ses souffrances!!

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Je n'ai jamais vu que deux lâches dans ma compagnie. C'est dire le cas que je fais de mes camarades, de leur audace, de leur folle bravoure. Les meilleurs, quand on leur annonce l'attaque, sentent  un frisson leur glacer le cœur!!

Ah! que de tableaux on a sous les yeux,  horreur!!!   Si vous saviez, civils ignorants, embusqués de l'arrière, qui osez quelquefois parler de la guerre!!  Il faut avoir vu, comme nous, toute l'horreur de la guerre!! – Si vous saviez, les chemins faits à plat ventre dans l'obscurité, en passant sur des cadavres gluants de sang; sur des mourants qui jettent leur dernier cri de détresse, et demandent à boire, en appelant d'une voix déchirante " Maman, Maman! "  - On marche sur des agonisants qui prononcent d'un accent désespérés quelque nom de femme! – Si vous saviez dans quel état peuvent mettre la fatigue et la faim, poussées hors de la limite des forces humaines!! On a plus qu'une pensée: dormir, dormir jusqu'à la fin du monde! Et cependant, on tient, on se raidit, on tient quand même… Et c'est là le miracle…

Je me souviens qu'un jour, creusant une tranchée dans laquelle il fallait piocher à genoux, les jambes dans l'eau, à bout de fatigue, j'avais envie de pleurer comme un petit enfant!!!

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