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Guerre 1914 / 1918 - Le 407° R.I.
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20 décembre 2009

SOUS LES TORPILLES (17)

SOUS LES TORPILLES.

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Le ciel est sombre; il y a de la brume depuis le matin. Gelés nous nous serons les uns contre les autres! La nuit nous a parue longue! Nous sommes à moitié enfouis dans un trou d'obus, avec de la boue jusqu'aux genoux.

Nous avons reçu quelques obus ce matin, mais sans anicroche; aussi n'avons-nous pas bougé de notre trou d'obus. Devant nous, les pentes de Givenchy, abruptes, et couvertes de tranchées et de boyaux; en avant, le village de Liévin, avec ses maisons en briques; plus loin, on aperçoit Lens. Ce sont des lignes ennemies

Dans notre espèce de tranchée, se trouvent VUILLEMENOT, avec son petit bouc roux, VALLAT, ROBIN, GUIGNARD, RIQUET, VARENNES, LEVEEL et JOSTEINS. Nous fumons notre éternelle pipe, pleine de boue jaunâtre Les mains sont crasseuses; les barbes hirsutes; les visages plein de terre. Nos vêtements, enduits de boue, sont lourds à porter. La couleur bleu-pâle disparaît sous la couche de terre. Nous sommes affreux!!

A partir de midi, quelques obus passent en ronflant sur nos têtes pour aller s'abattre, avec fracas, sur les carrières ou se trouve le poste de commandement du Commandant du Secteur.

Soudain, un Minen part des lignes allemandes, et vient éclater à une dizaine de mètres de nous… Frayeur… mais à quoi bon s'effrayer? Ce n'est peut-être pas notre poste qui est visé!

" Torpille à droite "            " Torpille à gauche "

VALLAT et ROBIN viennent d'entendre les départs; deux minens montent dans le ciel brumeux; l'un vient de droite, l'autre de gauche; mais ils se croisent  au dessus de nous… diable… Seconde d'angoisse!! Je crois qu'il y en a  un qui a envie de descendre sur nous… Mais non, ils vont éclater vers la tranchée Becque.

Pendant une heure, c'est un tir de réglage qui se pose un peu là! Nous suivons des yeux chaque torpilles qui part des tranchées ennemies:

" Attention! Elle est pour nous "

            seconde de peur… mais non! Elle hésite sur nos têtes, à 150 mètres de hauteur, si elle va tomber sur nous, ou aller un peu plus loin. Nous nous aplatissons dans la boue: elle éclate à vingt mètres, en avant de notre tranchée!

" Encore une! "

une deuxième se dirige sur nous… Elle pique du nez, et descend avec une rapidité vertigineuse! Je crie comme un fou " couchez-vous " – A peine à terre, elle s'enfonce dans la boue,  à cinq mètres derrière nous… Un choc… de l'eau gicle… un tremblement de terre, et le sol s'entrouvre à côté de nous… Un éclatement épouvantable!!  Des monceaux de terre sont projetés en l'air par l'explosion des 85 kilos de cheddite, à cinq mètres de nous… Claquant des dents, nous recevons des seaux de boue sur le dos! ROBIN, protestant fervent, chante un psaume!

             Une troisième torpille éclate à droite, et une quatrième, à gauche. Nous sommes couverts de terre à chaque éclatement! – Nous sommes repérés! Il va falloir quitter notre coin, car cela devient grave! Je préviens mes hommes de se tenir prêts à filer… Sous leur masque de boue, ils sont blêmes! Dans cet enfer de boue, la mort fait plus peur encore qu'à Vimy!

            Ceux qui n'ont jamais été sous un bombardement de torpilles! Ceux qui n'ont jamais vu tomber ces formidables engins à côté de leur tranchées! Ceux-là n'ont rien vu!!

            Moment de silence… Un coup sourd part de la tranchée ennemie. Je regarde vivement, car c'est le minenwerfer qui nous tire dessus…

            Je vois la torpille monter lentement; elle arrive au dessus de nous; sa trajectoire est finie! Elle semble s'arrêter… elle… pique du nez… ça y est!!! " Sauve qui peut! "

            Ce cri, je l'ai hurlé comme un homme qui ne veut pas mourir! Je m'arrache de la boue, je saute sur la tranchée, et je cours vers le poste de droite avec mes hommes. Je tombe dans un trou de boue… seul, RIQUET est resté au poste… je vois avec terreur, la torpille s'abattre, avec une force terrible, à l'endroit où nous étions tout à l'heure! Je pousse un cri d'horreur… Je vois mon pauvre RIQUET essayer de se sauver; il n'a pas le temps de bouger. Deux secondes d'angoisse… Soudain la terre tremble: Un volcan semble en surgir… Un monceau de blocs de terre gelée, de boue et de poutres monte vers le ciel… Une colonne de fumée noire, et une explosion épouvantable au milieu de ce volcan. Le corps de RIQUET est projeté en l'air, et retombe sur la terre fumante!

            Nous venons de l'échapper belle!! Je me sauve avec mes hommes à la troisième section, où nous sommes à l'abri des torpilles. De cet endroit, nous voyons un homme sortir du cratère de l'explosion couvert de boue, du sang sur le visage, il vient vers nous! C'est notre pauvre RIQUET! Il est un peu sourd, et s'en tire avec quelques égratignures sans importance. Il a de la veine!!

            Quand la nuit est venue, nous allons voir le trou de l'explosion. Il a douze mètres de diamètre; C'est terrible! Cinq mètres de profondeur! Nous ne retrouvons pas un fusil, pas une musette! Tout a été détruit!

            RIQUET doit la vie sauve à une poutre. Il était assis dessus; la poutre est déchiquetée. C'est à n'y rien comprendre…

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