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Guerre 1914 / 1918 - Le 407° R.I.
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18 janvier 2010

UNE ATTAQUE A GIVENCHY (18)

UNE ATTAQUE A GIVENCHY.

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Le bois de Givenchy se trouve sur la droite de Souchez, en avant de ce village, ou plutôt, de ses ruines. Le nombre de soldats tombés de part et d'autre, sur ce front de quelques centaines de mètres! Le saura t on jamais? Le sol y est pétri de cadavres!!

Quand nous partons pour ce secteur, plus d'un front pâlit, et plus d'un cœur se serre! Pendant quatre jours, il faudra se tenir sur le qui-vive, sans faire de bruit, sans feu, sans dormir! Il faut observer l'ennemi par des créneaux meurtriers habituer ses oreilles au sifflement des balles, à l'infernale clameur des obus, des bombes et torpilles, des grenades qui tombent comme la pluie en Avril! Il faut entendre sans frémir les plaintes et le râles des camarades, qu'une marmite a fauché  tout près de soi! S'assoupir quelques instants, le fusil entre les jambes, et se réveiller, soudain enseveli, sous un talus que vient de défoncer une torpille! Ne pas fumer la pipe, ni la cigarette! Car leur clarté  ferait repérer le point où l'on se trouve! S'habituer à marcher dans les flaques de sang!  Ne pas se laver!  Boire à peine!  Manger froid! Et avec de mains pleines de boue ou rouge du sang des camarades qu'on a pansés tout à l'heure!!

Ce qu'est devenu le bois, après six mois de luttes, on ne peut s'en faire une idée… Pas un arbre, pas un arbrisseau qui ne soit tombé au champ d'honneur, ou qui n'ait été criblé de blessures! Les uns ont été arrachés d'un seul coup par un obus, et ils gisent, étendus à un mètre du sol, les racines en l'air. Les autres sont rasés à deux mètres de hauteur. Rares sont ceux qui ont encore des branches! Les balles et les éclats ont tout coupés…

Même désolation sur le sol! Les obus y sont tombés en tel quantité, que leurs trous se chevauchent… On dirait la surface d'un lac dont les vagues auraient été brusquement gelées! A chaque pas,  le pied heurte des fusées, des éclats de fonte ou d'acier!

La redoute ennemie est à cinquante mètres de la nôtre. Bombes, fusils et grenades rivalisent à qui jettera par terre le plus grand nombre de morts! A qui, aussi, fera le plus de vacarme!

Chacun se tient à son poste, et à sa consigne. Les uns guettent aux créneaux, les autres tirent aux meurtrières. Les porteurs de cartouches ravitaillent les tireurs; les terrassiers réparent les brèches que font à chaque instant les projectiles. ( Notes des 1er – 5 – 8 Janvier – 4 – 12 et 18 Février.)

20 Février 1916.   - . . . . . . . .  On vient de nous faire passer un ordre. On craint une attaque pour demain, car les aviateurs signaient des mouvements de troupes dans la région de Liévin. Dans la soirée, nous recevons des obus de tous les calibres. Comme perte, un seul blessé léger: WELKER. –

21 Février 1916.   - . . . . . . . . Il fait très froid. Le ciel est gris, cela sent la neige! Heureusement, il a gelé cette nuit, et nous avons les pieds secs. Les flaques d'eau sont transformées en blocs de glace, nos pieds aussi! . . . . . 4 heures du matin . . . . .

Le Capitaine MOREAU, commandant de la Compagnie, fait communiquer aux Sections de 1ère ligne un papier  qui vient du 405ème  et que le Colonel de ce Régiment vient de lui envoyer par un agent de liaison. En voici le texte: " Colonel, commandant 405ème R.I. , à Capitaine, commandant 9ème Compagnie 407ème – Un allemand s'est rendu  cette nuit; il annonce une attaque pour aujourd'hui – Bombardement toue la matinée – Tir de barrage de midi à dix sept heures. A 17 heures, attaque sur le front de votre Compagnie. "

            Le prisonnier est l'ordonnance d'un officier; il se rend pour ne pas participer à l'attaque!

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            Cette journée du 21 Février 1916 fut une triste journée pour la 9ème  Compagnie du 407!  A partir de huit heures le bombardement avait commencé; obus de tous calibres, torpilles de toute s catégories, éclataient autour de nous, rendant ce petit secteur une véritable fournaise.

            Dans mon coin, le bombardement est violent! VALLAT monte la garde, pendant que le reste de la demi-section est couché à plat ventre, pour se garer de la pluie de fer et de feu qui tombe, sans un instant de répit.

            A midi le tir de barrage se déclenche, terrible et précis. Les obus martèlent le terrain. 400 mètres carré de terrain sont pilonnés par ce bombardement. Les tranchées sont retournées, les hommes affolés. L'adjudant SCARONI part à la recherche des ordres; Il revient sous une pluie d'éclats. Les officiers sont au P.C. et attendent la fin du bombardement.

            Nous sautons de trous d'obus en trous d'obus, cherchant des abris plus profonds. Hélas tout est nivelé à présent. L'Aspirant TRIOLLET vient d'être réduit en bouillie par une torpille. C'était un bon garçon! . . . LAFORD est grièvement blessé. SCARONI lui panse la tête. Un instant après, une torpille s'abat à côté de nous, et m'ensevelit avec l'adjudant. Nous réussissons à nous dégager, et nous allons, en rampant, vers mon escouade. Un obus éclate dans la tranchée, tue MOUGEL et blesse grièvement Robin . . . En l'espace d'une demi heure, je suis enseveli trois fois!

            L'ordre arrive de s'équiper et de se tenir prêts à toute attaque. Je vais prévenir la 1ère demi-section; quand je reviens vers mes hommes, une torpille vient d'en enterrer quatre! ROBIN, déjà blessé, VALLAT – BOUYER et TANCRET, Caporal de la 8ème escouade! SCARONI arrive: il est blessé au front. Avec DESROCHES, BESNARD et CLEMENT, nous nous mettons à creuser les décombres de la tranchée pour dégager nos camarades.

            A ce moment, le bombardement augmente d'intensité! Les 77 mm Passent à ras de la tranchée, et vont éclater à cinquante mètres de nous.

            Un obus de 130 mm  arrive en sifflant et éclate au milieu de nous . . . . Horreur . . . .  BESNARD s'effondre, tué raide. – CLEMENT s'abat, le genou droit fracassé. – DESROCHES, le crâne ouvert et le ventre déchiqueté, tombe à la renverse, les entrailles pendantes. – SCARONI et moi, nous sommes allés tomber dans un trou d'obus, et nous nous relevons, sans une égratignure! L'obus en éclatant a déterré TANCRET et BOUYER; ce dernier est blessé à l'épaule. ROBIN est à moitié mort.

            Les trois quarts de ma section sont hors de combat . . .  Le Caporal ARCHAMBAULT, 3ème section, s'accroupit à côté de moi dans la tranchée. Un fusant éclate au dessus de nous. Une balle atteint le Caporal en plein cœur. . .  Il se renverse sur moi, et ses lèvres murmurent: " J'y suis. . . Maman. . ."

" Tu est blessé. . .  Où? "

" Oui, au cœur. . . Ah! "

Et ARCHAMBAULT roule au fond de la tranchée, mort!!

            Minutes atroces, qui m'ont parues des années! Voir tout mes camarades tomber autour de moi!!! Ah, quels moments d'épouvante j'ai vécus, là !!!

            Hier, pour monter aux tranchées, il y a eu des nominations. Deux Caporaux nommés sergent: BLIN et SOUAN, de la 1ère section. – Trois nouveaux Caporaux: BENNETT, BEURNEL et LAVISSE.

            Le Sergent BLIN est tué… SOUAN est blessé… BENNETT est tué, et LAVISSE blessé…..

            A quatre heures ½, le bombardement s'arrête légèrement. Les Sergents KLEBER et LISCOT se dirigent vers le P.C., avec SCARONI, pour chercher des ordres. Aucun d'eux ne revient! L'ouragan de fer, qui reprend de plus belle, les aura sans doute couchés dans la boue d'Artois. . .

            Nous n'avons pas encore vu un officier de la journée! Le capitaine MOREAU, et le Lieutenant PIERRE, sont au P.C., bien à l'abri des obus!!

            Il est cinq heures. BIDAL crie: " les boches "

En effet, ils sortent de leur tranchée, et s'avancent vers nous. Ils ont le fusil en bandoulière, sauf quelques-uns qui ont le fusil à la main, et tirent en marchant.

            Mes camarades lèvent les bras en l'air, en criant " camarades ". Nous ne pouvons nous défendre, nos fusils étant hors d'usage par la boue et la terre. Je m'apprête à faire " Camarade " aussi, mais je vois que les allemands, en avançant, tirent sur ceux qui se rendent! Alors, je me sauve, vers le Sergent BAZAINE, qui me donne un fusil à peu près bon. Nous tirons dans l'tas: à notre droite, l'ennemi saute dans la tranchée. Je jette mon fusil et fuis avec BIZAINE, le Caporal HUSSON, GIRAUD, HENNEQUIN, BERTRAND, BIDAL,CLEMENTet TANCRET.

            Le Sergent BAZAINE reçoit une balle dans un bras. Un 77 , éclatant à côté de lui, l'envoie à terre. Il se relève, mais l'ennemi tire sur nous; une balle lui traverse la poitrine…  Le Caporal CLEMENT a le bras gauche traversé d'une balle, un éclat d'obus au ventre et une balle de fusant au pied…TANCRET est tué raide à dix mètres de ligne de soutien!

            Enfin, nous arrivons aux carrières, où nous trouvons le sous-lieutenant ROY avec DIDIER et BILLAC, les deux agents de liaison. Nos deux autres officiers sont disparus. L'Adjudant aussi.

            Nous étions montés 145 à la Compagnie, et nous restions 13 sans une égratignure. Nous avions vu la mort de près!!!

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